benedetto lupo
21h30 – jardins de la chapelle sainte-restitude, calenzana
Pour mon concert à Calenzana, j’ai choisi des musiques d’auteurs
qui me sont très chers pour diverses raisons. Je présenterai des préludes de Nino Rota et d’Alexandre Scriabin, ainsi que la Sonate de Leoš Janáček, « Nella Strada ». Ce choix est pour moi une proposition très forte en émotions dans laquelle se mêlent moments dramatiques, lyriques et rêveurs, donnant l’impression de cacher une part de l’auteur. Part que l’on peut imaginer comme une page musicale se transformant en page d’un journal intime musical,
ou vice versa. Après l’un de mes concerts à Montréal, où j’ai interprété la Sonata de Janacek, le critique de « Le Devoir » a écrit : « C’est
Janáček que l’on voit composer un véritable film sans images dans sa Sonate 1.X.1905 ». Ce qui illustre parfaitement la profondeur et l’intensité de cette sonate. D’autre part, je suis particulièrement heureux de rendre hommage à Nino Rota, avec qui je suis lié, non
seulement par l’estime et l’admiration, mais également par une profonde reconnaissance, car il a été mon directeur de conservatoire à Bari, quand j’ai fait mes premiers pas dans la musique. Rota a su m’orienter avec délicatesse et autorité dans ces années de formation,
comme il l’avait déjà fait tant de fois auparavant avec d’autres élèves, parmi lesquels Riccardo Muti, et je lui en serais éternellement reconnaissant. Je trouve très beau de se souvenir de Rota, l’année où
nous célébrons le centenaire de la naissance de Fellini, car son
succès est indéniablement lié aux musiques de Rota. Combien
de ces situations que nous appelons « Felliniennes », le sont grâce à la musique de Rota ? Leur rapport peut se traduire par une symbiose unique et particulière, et avec 15 préludes pour piano, j’ai l’impression d’être très proche du monde de Fellini. En particulier du monde tendre, pudique et dans le même temps comique et dramatique du film La Strada. Les préludes sont de brèves pages dans lesquels
se mêlent délicatesse, idées visionnaires et changement emplis d’humour, recréant ainsi un monde honorifique et rêveur, parfois moqueur et souvent mélancolique. L’enchaînement des préludes
semble suggérer un flux continu d’un prélude à l’autre, presque
comme si l’on parlait d’une page unique écrite d’un seul trait, comme un journal intime. Les moments les plus Fellinien prennent naissance dans une écriture cristalline et pleine de sages couleurs. Le raffinement de l’écriture pianistique rappelle souvent les délices de la musique française pour piano du début des années 1900, dont Rota était un grand admirateur, comme j’ai pu le vérifier personnellement durant mes études au Conservatoire de Bari sous sa direction. Et enfin
pour conclure, d’autres préludes et un autre monde honorifique, avec Scriabin ! Bonne écoute !
Benedetto Lupo
Leoš Janáček : Sonata 1.X.1905 “Z Ulice” (“Nella strada”)
Nino Rota : 15 Preludi (1964)
Aleksandr Skrjabin : 24 Preludi op.11 (1888-1896)